Crédit immobilier : la hausse des taux s’accélère
Les conditions de crédit se durcissent depuis le début de l’année et le mouvement devrait se poursuivre dans les prochains mois.
Mauvaise nouvelle pour ceux qui recherchent un crédit pour financer un achat immobilier, la hausse des taux se confirme.
Chez le courtier Pretto, les taux immobiliers enregistrent ainsi une hausse de 20 points de base en moyenne, sur un mois : « Notre estimation est de 1,34 % sur quinze ans, 1,44 % sur vingt ans et 1,58 % sur vingt-cinq ans. Pour les meilleurs profils, la possibilité d’emprunter sous les 1 % s’éloigne de plus en plus : 1,18 % sur quinze ans, 1,29 % sur vingt ans et 1,44 % sur vingt-cinq ans », précise le courtier.
La tendance est générale. « Dans les semaines à venir, la hausse des taux va se poursuivre. Une banque nationale nous a annoncé une hausse de ses barèmes de 20 à 25 centimes la semaine dernière », indique Cécile Roquelaure, directrice des études d’Empruntis. Sur les barèmes reçus et en vigueur en avril, ce courtier constate des augmentations dans neuf cas sur dix.
Ces dernières varient entre 10 et 30 points de base, selon les établissements et les durées. A l’heure actuelle, le taux moyen sur vingt ans est de 1,35 %, soit une hausse de 35 points de base depuis le début de l’année. Sur cette même durée, le taux le plus faible réservé aux meilleurs profils reste, comme en mars, à 0,90 %.
« Les banques répercutent de façon hétérogène la hausse de leurs coûts de refinancement », note Cécile Roquelaure. Le taux des OAT (obligations assimilables au Trésor), traditionnel référent des taux immobiliers, a progressé d’environ 70 centimes depuis le début de l’année. « Deux stratégies sont observées : soit les banques ont procédé à une hausse importante en une fois et maintiennent pour l’instant leurs taux, soit elles privilégient une remontée par palier de 10 à 15 centimes, restant vigilantes aux nouvelles évolutions », estime-t-elle.
Taux supérieurs à 2 %
Chez Vousfinancer, les hausses de taux pour l’ensemble des barèmes bancaires reçus s’étalent de 10 à 45 points de base. Ce courtier observe que ces augmentations concernent, la plupart du temps, tous les profils mais, dans certaines banques, davantage les moins bons profils, avec les plus bas revenus, à qui l’on propose désormais parfois des taux supérieurs à 2 % sur vingt et vingt-cinq ans… Ainsi, chez Vousfinancer, les taux moyens proposés augmentent en avril à 1,25 % sur quinze ans, 1,45 % sur vingt ans et 1,65 % sur vingt-cinq ans. Les taux pour les meilleurs profils remontent aussi, tout en restant malgré tout attractifs : 0,90 % sur quinze ans, 1 % sur vingt ans et 1,25 % sur vingt-cinq ans.
« Le taux d’emprunt d’Etat à dix ans est revenu à son niveau d’avril 2017, au moment où les banques prêtaient en moyenne à 1,70 % sur vingt ans, contre 1,45 % actuellement. Les banques tentent au maximum de limiter la remontée des taux ou de la rendre la plus progressive possible, en envoyant de nouveaux barèmes tous les quinze jours pour certaines, avec des hausses limitées. Pour autant, dans ce contexte, le mouvement risque de se poursuivre dans les prochaines semaines, alors même qu’avec les taux d’usure actuels, les taux affichés sur certains barèmes conduisent systématiquement à des refus », analyse Sandrine Allonier, directrice des études de Vousfinancer.
« En parallèle, les taux d’usure ont été légèrement revus à la baisse, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle », souligne Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artémis courtage, qui note, en avril, une hausse des taux comprise entre 20 et 40 points de base selon les établissements bancaires.
Les taux de l’usure (qui diffèrent selon les types de prêt, et qui sont calculés chaque trimestre par la Banque de France) correspondent aux niveaux maximaux auxquels les banques sont autorisées à prêter. En pratique, ils incluent le taux d’intérêt, l’assurance décès invalidité, la garantie, ainsi que les frais de dossiers et de courtage.
Le taux d’usure s’est effrité au fil des trimestres
Ces taux ont légèrement baissé pour les crédits immobiliers au 1er avril, pour les prêts à taux fixe de vingt ans et plus, passant de 2,41 % à 2,40 % . Le niveau, très bas, des taux de l’usure risque de fermer la porte du crédit à certains candidats. « Si les augmentations se poursuivent ce trimestre avec la même rapidité que ces derniers mois, les taux immobiliers se rapprocheront fortement du taux d’usure, ce qui exclura de facto de nombreux ménages », prévient Pierre Chapon, président de Pretto.
Moins de crédits immobiliers
Le durcissement des conditions de crédit pèse déjà sur le marché immobilier. Pretto constate une baisse des projets d’achat de 16 % entre février et mars 2022. L’estimation avancée de la Banque de France pour mars fait apparaître une légère baisse de la production mensuelle CVS de crédits à l’habitat (23,2 milliards d’euros) par rapport à février.
« Malgré un début d’année prometteur sur le marché immobilier, depuis le 24 février, la guerre menée par la Russie en Ukraine souffle un vent de pessimisme sur le marché de l’immobilier hexagonal, et plus largement sur la situation économique de la France », indiquait Ludovic Huzieux le 23 mars, lors de la présentation du baromètre d’Artémis courtage sur les Français et l’immobilier.
« En effet, poursuivait-il, cette nouvelle étude révèle que 73 % des Français sont pessimistes sur la situation économique de la France, un sentiment en progression de 9 points par rapport à septembre 2021, et une majorité de Français estime la situation actuelle comme défavorable pour emprunter (52 %, + 11 points vs septembre 2021). » Et la situation s’est probablement dégradée depuis.
Source : Le Monde